Lettre du pasteur mai 2024
Qui perd gagne !
Jouer à qui perd gagne ! Vous connaissez cette locution qui veut que l’on joue à un jeu où l’on convient que celui qui perdra gagnera la partie. Elle se dit aussi lorsqu’un désavantage apparent procure un avantage réel. Il me semble que ce principe n’est pas étranger aux sportifs de haut niveau. Dans quelques semaines débuteront les Jeux Olympiques de Paris 2024. On s’attend à voir de belles performances, de nouveaux records établis et les vainqueurs entrer dans la postérité, voir même une sorte d’éternité. On ne le répète cependant pas assez, la volonté de faire des sacrifices, la détermination, la ténacité, la motivation sont des facteurs de succès pour les athlètes. Paul n’hésite pas à utiliser cette allégorie pour parler de la vie chrétienne : « Tous les athlètes à l’entraînement s’imposent une discipline sévère. Ils le font pour gagner une couronne qui se fane vite ; mais nous, nous le faisons pour gagner une couronne qui ne se fanera jamais. » (1 Corinthiens 9. 25).
L’épreuve interroge notre compréhension de la foi : y avons-nous intégré la notion de perte ? « Nous avons tout quitté pour te suivre », dira Pierre (Matthieu 19. 27). Ce n’est peut-être pas si évident pour les chrétiens occidentaux que nous sommes. Peut-être que nous voulons tout ici-bas, avec le ciel en prime. Peut-être que pour nous « être chrétien », c’est vivre heureux sur terre en attendant le ciel. Mais le Seigneur lui-même nous souligne qu’il y a une forme de radicalité à son appel. Il ne suffit pas seulement d’avoir un certain intérêt pour les choses spirituelles. Il ne suffit pas seulement d’être un peu séduit, attiré, de trouver cela plutôt bien. Il s’agit au contraire d’un engagement total de toute notre personne. C’est la même différence entre celui qui pratique un sport-loisir et un sportif compétitif de haut niveau.
Si aujourd’hui, les athlètes concourent pour de l’or, dans les jeux antiques, les vainqueurs recevaient une couronne d’olivier, qui finissait évidemment par se faner. Pourtant, même pour un prix éphémère, ces derniers consentent à des sacrifices. Ils ont foi en leur victoire alors qu’elle n’existe qu’à l’état d’hypothèse et qu’elle est incertaine. Nous, nous le faisons pour une couronne qui ne se fanera jamais. Aussi, le prisme de la foi déforme, transforme l’épreuve. Ce que la foi saisit c’est que « la détresse que nous éprouvons sur le moment est passagère et légère, mais elle produit pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire. » (2 Corinthiens 4. 17).
Paul ne dit pas que nos épreuves sont légères et insignifiantes. Elles peuvent même être très lourdes et pesantes. Elles ne sont légères qu’en comparaison avec le poids éternel de la gloire qui nous est réservée. Chaque fois que l’épreuve me paraît accablante, je peux me dire qu’elle est légère comparativement au poids de la gloire. « Au-delà de toute mesure », nous dit encore l’apôtre : littéralement le texte grec dit
« de surabondance en surabondance ». N’est-ce que ce que nous enseignent les souffrances du Christ ? Loin de moi la pensée que ses souffrances étaient légères ou insignifiantes. Chaque pas qu’il a effectué vers la croix était un pas d’agonie. Mais sa souffrance a produit pour nous le plus grand bien. Elle est devenue notre salut et s’est ouverte sur son ascension vers la gloire. En effet, « il a choisi de vivre dans l’humilité et s’est montré obéissant jusqu’à la mort, la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé à la plus haute place et lui a donné le nom supérieur à tout autre nom. Il a voulu que, pour honorer le nom de Jésus, tous les êtres, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, se mettent à genoux, et que tous proclament, à la gloire de Dieu le Père : « Jésus-Christ est le Seigneur ! » (Philippiens 2. 8-11).
Nous pouvons connaître de très durs moments. Les circonstances adverses peuvent nous accabler mais la parole de Dieu les qualifie de légers en comparaison avec ce poids éternel de gloire qui nous attend. Nous avons là une clé extraordinaire pour appréhender les épreuves et inscrire le principe de générosité de la grâce vis-à-vis d’elles. Il ne s’agit nullement de faire ici l’apologie du dolorisme. L’Évangile du Christ n’est pas un Évangile « foie de morue » et la Bible ne dit pas, « plus ça fait mal, mieux c’est ! ». La Bible nous demande plutôt de prier pour mener une vie paisible (1 Thessaloniciens 4. 11). L’épreuve et la souffrance qu’elle produit n’ont pas de vertu en elles-mêmes. Lorsqu’elles nous touchent, il est tout à fait normal que nous protestions, car au départ, nous n’avons pas été créés pour souffrir. D’ailleurs leur disparition est une promesse certaine dans le royaume de Dieu qui s’établira à la fin des temps :
« Alors je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre. Le premier ciel et la première terre ont disparu… Il essuiera toute larme de leurs yeux. Il n’y aura plus de mort, il n’y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. » (Apocalypse 21. 1-4). Il n’y a donc aucune incompatibilité à prier pour que Dieu mette fin à l’épreuve et nous en délivre, tout en nous réconfortant dans la pensée qu’elle produit pour nous, au- delà de toute mesure, un poids éternel de gloire.
Avec mes meilleures pensées fraternelles,
Raymond Ruffe
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