Lettre du pasteur octobre 2025

Venez comme vous êtes !

Vous rappelez-vous cette campagne publicitaire de McDonald’s, avec cette accroche : «Venez comme vous êtes!»? A l’époque, on a pu déterminer que cette phrase était connue de 75 % des Français. Le premier volet de la campagne mettait en scène la diversité des clients en insistant sur les différents looks, différentes couleurs de peau et les générations. Le deuxième volet mettait l’accent sur les différentes personnalités, en disant : «Si tu es gay, et que tu n’as toujours pas fait ton coming-out, pas de problème, viens chez McDo. Si tu es une personne âgée, seule, sans wifi, et que tu cherches un club de rencontres viens chez McDo. Enfin, si tu es une mère de famille, en détresse, c’est cool, pas de problème viens chez McDo. »

«Venez comme vous êtes!» C’est aussi le message de l’Évangile. C’est vrai que le monde dans lequel nous vivons est une machine à juger, un monde dans lequel nous pouvons avoir bien du mal à nous faire accepter tel que nous sommes et parfois c’est jusque dans la cellule familiale que nous ne nous sentons pas accueillis. Mais auprès de Dieu, nous avons l’assurance que nous sommes accueillis tels que nous sommes, et dire qu’il nous accueille avec bienveillance est un pléonasme. Mais Dieu ne se contente pas de nous dire, «Venez comme vous êtes», il ajoute «et repartez changés». Car si le «Venez comme vous êtes » est un moyen de nous déculpabiliser, le « repartez changés » est une promesse.

Voilà ce qu’il dit très précisément : «Vous tous qui avez soif, voici de l’eau, venez ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez ! Prenez de quoi manger, c’est gratuit ; achetez du vin ou du lait, sans rien payer. Écoutez-moi bien, et vous mangerez ce qui est bon, vous vous régalerez de ce qu’il y a de meilleur. Accordez-moi votre attention et venez à moi. Écoutez-moi, et vous vivrez. » (És. 55. 1-3)

La soif ici n’est pas précisée, mais elle peut être vécue comme une démarche spirituelle. Et Dieu est la source qui la désaltère. Remarquez l’interpellation : «Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, pourquoi vous donner du mal pour ce qui ne rassasie pas ?» Vers combien de solutions inadaptées et inappropriées courons-nous souvent pour étancher notre soif. Cela me fait penser à l’histoire du petit prince de Saint-Exupéry. Il rencontre un marchand de pilules qui apaisent la soif. Le marchand lui dit : «Ce sont des pilules perfectionnées. On en avale une par semaine et l’on n’éprouve plus le besoin de boire.» Le petit prince : «Pourquoi vends-tu cela ? » Le marchand : «C’est une grosse économie de temps. Les experts ont fait les calculs. On épargne 53 minutes par semaine.» Le petit prince : «Et que fait-on de ces 53 minutes ?»Le marchand : «On en fait ce qu’on veut.»Le petit prince : « Moi, si j’avais 53 minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine. »

Les pilules du bonheur, au sens propre comme au sens figuré n’y changent rien. Elles peuvent changer notre humeur, mais pas étancher notre soif. Ce qu’il faut, c’est marcher tout doucement jusqu’à une fontaine. Et nous pouvons le faire aujourd’hui, en répondant à l’appel de Jésus : «Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive.» (Jean 7. 37). Il dit encore : «Venez à moi, vous tous qui peinez sous

le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. » (Mat. 11. 28-29)

Voilà l’un des versets les plus beaux de l’Évangile. Et ce serait merveilleux si 75 % des Français pouvaient le savoir, comme pour l’accroche de McDonald’s. Quand nos vies ressemblent à une longue marche dans le désert, les journées sont longues et difficiles, la marche fatigante, la soif nous tenaille, Jésus est celui qui peut apaiser nos tumultes et nous donner du repos. Il y a une chose tout à fait étonnante dans les propos de Jésus. En effet, il nous invite à nous placer sous son joug. Le joug est un instrument de travail et même d’un travail harassant. Dans la Bible, le joug dénote même le travail de l’esclave. Alors comment peut-on promettre le repos à des gens déjà fatigués, en les mettant sous un joug ? C’est donc une chose tout à fait incongrue, voire sordide que Jésus dise : «Venez à moi, vous qui êtes fatigués et chargés», pour ensuite proposer un fardeau supplémentaire à des gens déjà chargés et fatigués. D’ailleurs, c’est l’image que beaucoup de personnes ont de la foi. Elles y voient une forme d’asservissement. Mais vous aurez noté que le joug dont parle Jésus est léger et fait de douceur et d’humilité. Ensuite, si Jésus emploie l’image du joug, c’est parce que le joug renvoie à un attelage. En nous proposant un joug, Jésus ne veut pas nous accabler plus que nous le sommes, mais au contraire, il veut former un attelage avec nous. Jusque-là nous étions seuls à porter nos charges et nos fardeaux, mais en nous proposant un joug, Jésus vient faire disparaître la solitude. Désormais je ne serai plus seul, mais avec un autre pour porter ce qui fait le poids de ma vie. Qui sera donc cet autre qui va prendre place à mon côté sous le joug proposé par Jésus ? Qui va donc pouvoir porter avec moi le fardeau de ma vie, ce fardeau qui écrase mon âme ? Ma femme ? Mon mari ? Tel ami ? Tel frère ou telle sœur de l’Église ? Toutes ces aides sont précieuses. Mais ici l’autre qui prend place à côté de moi sous le joug, c’est Jésus lui-même. Jésus qui se joint à moi pour partager ainsi mes fatigues, mes fardeaux, mes charges et tout ce qui accable mon âme. Et ça, c’est merveilleux ! Quelle sollicitude ! Quelle bonté ! Et il n’y a personne en dehors de lui qui aurait été capable de porter avec moi le fardeau de mon âme. Et ce que Jésus vise, c’est que nous puissions trouver le repos pour notre âme. Être fatigué physiquement, c’est une chose. Et le repos du corps est quelque chose qui nous est facilement accessible : une bonne sieste sur une chaise longue, une bonne nuit de sommeil et vous voilà requinqué. Mais la fatigue de l’âme, c’est autre chose, c’est une fatigue que le sommeil et les comprimés n’enlèvent pas. Cette fatigue de l’âme n’est pas qu’une affaire de grandes personnes. Elle se contre-fiche de l’âge, comme l’expriment les premiers mots de ce poème que j’ai appris à l’école primaire : «Seigneur, je suis très fatigué, je suis né fatigué et j’ai beaucoup marché depuis le chant du coq… » ( Prière d’un petit enfant nègre – Guy Tirolien)

Dans le Ps. 116. 7, le psalmiste s’adresse à son âme et lui dit : «Mon âme retourne à ton repos». Le verbe « retourner », qu’il utilise est le verbe «shouv», c’est le verbe de la conversion, qui marque le retour à Dieu. Si une simple chaise longue peut suffire pour que le corps se repose, le repos de l’âme est en Dieu seul. C’est à lui qu’il faut venir. C’est vers lui qu’il faut retourner, comme le fit la colombe qui ne trouva aucun repos en dehors de l’arche : « La colombe revint à lui vers le soir. » (Gen. 8. 11)

Avec mes meilleures pensées fraternelles,

Avec mes meilleures pensées fraternelles

Raymond Ruffe

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