
Lettre du pasteur juillet 2025
Abracadabra ?
Un de mes proches m’a un jour interpellé sur le fait que toutes mes prières ne se terminaient pas systématiquement par la formule, « Au nom de Jésus ! » Nous avons eu un court échange sur le sujet qui m’a conduit à approfondir la réflexion. J’ai alors découvert qu’il existe un hôtel restaurant à Saint-Romain-de-Colbosc, à 10 minutes de Honfleur qui porte le nom suivant : « Au nom de Jésus » Autrefois, les lieux étaient occupés par des moines qui hébergeaient les voyageurs d’un soir. Mais il fallait connaître le mot de passe qui était le suivant : « Au nom de Jésus, je voudrais manger et dormir !»
Est-ce là tout ce qu’il y a dans cette expression ? Une sorte de mot de mot de passe, de « Sésame ouvre-toi », d’abracadabra, de formule performative qui nous assurerait à coup sûr l’exaucement de nos prières ?
Découvrons ensemble ce que signifie véritablement prier et agir au nom de Jésus et ce que cela implique.
S’agissant du domaine de la prière, voilà ce que dit précisément Jésus : « Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. » (Jean 14. 13-14)
Notons que Jésus ne dit pas seulement : « Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai », il ajoute « afin que le Père soit glorifié »
Un peu plus loin, au chapitre 15, Jésus promet l’exaucement à ses disciples, en leur précisant que la condition pour cela est que ceux-ci demeurent en lui : « Si vous demeurez unis à moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voulez et cela sera fait pour vous. » (Jean 15. 7)
Dans sa première épître, Jean écrit également : « Nous pouvons regarder à Dieu avec assurance, car il nous écoute si nous demandons quelque chose de conforme à sa volonté. Sachant donc qu’il écoute nos prières, nous avons aussi la certitude d’obtenir ce que nous lui avons demandé. » (1 Jean 5:14-15)
Quels enseignements faut-il en tirer ?
Prier au nom de Jésus, c’est prier pour des choses qui honorent et glorifient Dieu. Prier authentiquement au nom de Jésus et pour sa gloire, voilà ce qui est important. Si ce que vous avez demandé n’est pas à la gloire de Dieu ou selon sa volonté, dire « Au nom de Jésus » est vide de sens. Dire « Au nom de Jésus » à la fin de la prière n’est pas une formule magique. Cela suppose que je prie selon la volonté de Dieu. C’est prier comme Jésus l’aurait fait s’il avait lui-même formulé cette prière. Prier pour des choses qui sont en accord avec la volonté de Dieu, voilà l’essence de la prière au nom de Jésus. Prier au nom de Jésus suppose également d’être en communion avec lui. Cela demande de la part de celui qui prie, une attitude humble. Il ne vient pas demander les choses en son nom propre. Il vient au nom de Jésus, qui a tous les mérites et qui est celui que le Père exauce toujours. Or s’il est toujours exaucé, c’est d’une part parce que sa requête est toujours conforme à la volonté du Père ; et d’autre part qu’il fait toujours ce qui est agréable au Père, qu’il se nourrit de sa volonté : « Celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît. » (Jean 8. 29) « Père, je te remercie de m’avoir écouté. Moi je sais que tu m’écoutes toujours. » (Jean 4. 41-42) « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de terminer le travail qu’il m’a confié. »(Jean 4. 34)
Prier au nom de Jésus, c’est s’inscrire dans la dynamique de la relation qu’il a lui-même avec le Père. J’ai le droit de prier au nom de Jésus, et cela suppose que moi aussi je fais ce qui est agréable au Père et que faire sa volonté c’est ma nourriture. Comme je ne peux pas me passer de nourriture, je ne peux pas me passer de faire la volonté de Dieu.
Prier au nom de Jésus, c’est aussi reconnaître qu’il a autorité sur les circonstances, sur les événements, les choses, pour les commander, les transformer en notre faveur. Or la Bible ne nous recommande pas seulement de prier au nom de Jésus. Elle dit aussi qu’au nom de Jésus tout genou doit fléchir et toute langue doit reconnaître sa seigneurie (Phil. 2. 10). C’est une bonne chose de prier au nom de Jésus et de reconnaître qu’il a autorité sur les circonstances, sur les événements et sur les choses, pour les faire tourner en notre faveur, mais cela m’oblige à m’interroger de la sorte : Celui à qui je demande d’exercer son autorité sur les événements pour qu’ils me soient favorables, a-t-il également autorité sur ma vie pour la commander, pour me transformer, faire en moi ce qui lui est agréable ? (Héb. 13. 21)
Prier au nom de Jésus va de pair avec agir au nom de Jésus. Or agir au nom de Jésus, c’est s’inspirer de sa façon de vivre. Agir au nom de Jésus, c’est privilégier le commandement d’amour à ses intérêts propres. Personne n’est obligé d’agir ainsi ; mais personne ne peut prétendre agir au nom du Christ s’il ne suit pas ce chemin.
Martin Luther King a dit : « Sur certaines positions, la lâcheté pose la question : Est-ce sans danger ? L’opportunisme pose la question : Est-ce politique ? La vanité pose la question : Est-ce populaire ? Mais la conscience pose la question : Est-ce juste ? »
Lorsque nous prenons des décisions, nous pouvons évaluer leurs conséquences en fonction du danger pour nous. Notre choix peut aussi être influencer par sa popularité ou un quelconque intérêt politique. Mais lorsque nous reconnaissons l’autorité du Seigneur dans nos prises de décisions et dans nos choix, il est possible que nous ne servions pas notre intérêt personnel, c’est alors que nous agissons vraiment au nom de Jésus et au nom de l’Évangile.
Terminer nos prières par « Au nom de Jésus », c’est plus qu’une signature en bas d’une lettre. C’est tout le contenu de la lettre, l’intention derrière la prière qui doit aussi correspondre à la volonté de Dieu. Comme je le disais, prier au nom de Jésus est indissociable de l’agir au nom de Jésus et c’est agir selon les valeurs de l’Évangile, dans la lignée des béatitudes, du pardon, de l’accueil. Nous ne pouvons prétendre agir au nom de Dieu que si nous suivons cette direction. Ce ne sera jamais à tort que nous choisirons cette voie : Toute demande en ce sens sera exaucée. Seule une demande en ce sens sera exaucée.
Vous l’aurez compris, l’idée de l’obéissance n’est pas loin de l’idée de prier au nom de Jésus. C’est la seule assurance que nos prières suivront le bon chemin, qu’elles ne se perdront pas au fil de nos désirs. Alors la promesse de Jésus sera pour nous : « Je vous exaucerai. ». Ce sera l’occasion d’une vraie joie : « Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite. » (Jean 14. 13-14) C’est une joie dont le monde n’a pas le secret. Parce que pour lui, la joie résulte de la satisfaction des désirs. Mais ici, au-delà du fait d’être dans la joie parce qu’on a reçu ce qu’on a demandé, c’est surtout la joie d’avoir demandé une chose qui soit conforme à la volonté de Dieu et le glorifie, la joie d’une prière qui n’est pas l’expression de n’importe quel souhait du cœur humain, mais qui vise l’accomplissement de la volonté de Dieu, d’une prière qui est l’expression d’une communion pleine avec le Seigneur, une communion de pensées, d’intentions et d’actions avec le Christ, la joie d’avoir mis le don de soi avant l’amour de soi.
Au terme de notre réflexion, plus que jamais, je me sens poussé à prier ainsi : « Seigneur enseigne-nous à prier. » (Luc 11. 1)
Avec mes meilleures pensées fraternelles
Raymond Ruffe
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