Lettre du pasteur octobre 2022

Assez d’étoffe !

« Chez l’homme le plus intelligent, il reste toujours assez d’étoffe pour faire un imbécile. » C’est l’écrivain américain de langue française, Julien Green qui a dit cela. La formule pourrait être déclinée presqu’à l’infini :

« Chez l’homme le plus modeste, il resta toujours assez d’étoffe pour faire un orgueilleux. »

« Chez l’homme le plus pieux, il reste toujours assez d’étoffe pour faire un hypocrite. »

Mais fort heureusement, on peut tout aussi bien retourner la formule :

« Chez un imbécile, il reste toujours assez d’étoffe pour faire un homme intelligent. »

« Chez un orgueilleux, il reste toujours assez d’étoffe pour faire un homme humble. »

« Chez un hypocrite, il reste toujours assez d’étoffe pour faire un homme sincère. »

Ce n’est pas très intéressant de chercher à comprendre comment un intelligent arrive à se comporter en imbécile. Nous le voyons tous les jours autour de nous et souvent même, c’est moi l’intelligent qui se comporte comme un idiot. Mais comment un hypocrite devient un homme sincère ? Voilà qui est plus intéressant ! Quel est l’élément déclencheur qui va provoquer cette transformation ?

Prenons l’apôtre Pierre ! Quand on dit : « Chez l’homme le plus pieux, il reste toujours assez d’étoffe pour faire un hypocrite », Pierre en est un bel exemple. Il fait preuve de courage, lorsqu’il affirme à Jésus : « Même s’il me faut mourir avec toi, je ne te renierai pas. » (Matthieu 26. 35). Ou encore, « Même si tous trébuchent, ce ne sera pas mon cas. » (Marc 14. 29) Cette belle déclaration n’a pourtant pas empêché qu’il renie Jésus. En reniant Jésus à trois reprises après avoir juré qu’il lui resterait fidèle jusqu’à la mort, Pierre est allé jusqu’au bout de l’échec. Mais chez un « traitre » comme Pierre, il restait encore assez d’étoffe pour faire un pilier de l’Église : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église » (Matthieu 16. 18). Et ce n’est point parce que Jésus a été impressionné par les grandes déclarations de Pierre. Jésus ne s’est pas dit : « Un type comme celui-là, il me le faut absolument dans mon équipe. » C’est l’échec par lequel Pierre est passé qui a constitué un tournant décisif. Ce n’est pas l’échec en lui-même qui a produit le changement chez Pierre, mais cet échec humain a débouché sur une expérience de la grâce. C’est l’expérience que Pierre a faite de la grâce de Dieu qui en a fait un homme nouveau.

Après le reniement de Pierre, Jésus se retourne et le regarde (Luc 22. 61). Ce regard volontaire n’est pas un regard réprobateur. Dans pareilles circonstances le regard des hommes serait rempli de mépris, mais dans ce regard, Jésus disait à Pierre : « Tu as craqué, mais je t’aime et je sais que tu m’aimes. » Ce regard de Jésus, c’est le regard qui sauve la situation. Ce regard, c’est celui de la grâce qui voit plus loin que l’instant présent. Jésus sait qu’il rencontrera bientôt son disciple pour une réconciliation merveilleuse. Plus tard après sa résurrection Jésus retrouve Pierre et lui pose trois fois, la question : « M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (Jean 21. 15). Le triple reniement de Pierre devait être réparé par une triple déclaration de son amour pour le Seigneur. Dans sa réponse, Pierre affirme résolument son amour pour Jésus, mais instruit par sa triste expérience, il se garde bien de se comparer avantageusement aux autres. La chute et sa repentance ont produit l’humilité. Il s’en remet à celui qui connaît son cœur, seul capable de juger de son amour : « Oui, tu sais que je t’aime… tu sais toutes choses » (Jean 21. 17).

Nous aussi, nous aimons le Seigneur, nous l’aimons sincèrement. Pourtant quand il a fallu joindre le témoignage à la profession, nous avons failli. C’est possible ! Mais plus fort que notre regard sur nous-mêmes, plus fort que le regard des autres, il y a le regard de Jésus. Il voit le fond de notre cœur et il sait que malgré nos lâchetés et nos reniements, il y a notre amour pour lui. L’échec de Pierre et l’expérience de la grâce qui s’en est suivi ont fait que ses prétentions sur lui-même se sont évaporées. Notre personnalité, notre tempérament ont peut-être besoin de changer pour que Dieu nous utilise comme il le voudrait. De l’étoffe, nous en avons tous, encore faut-il que nous laissions faire le tailleur.

Avec mes meilleures pensées fraternelles,

Raymond Ruffe

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