Lettre du pasteur décembre 2022
Le passéisme (Ecclésiaste 7. 10)
Savez-vous ce qu’est le passéisme ? C’est cette conviction que la vie était mieux avant. Les clichés vantant le bon vieux temps sont légion : « Avant il y avait moins d’incivilité. », « Les jeunes n’ont plus aucun respect et plus rien ne les intéresse », « Tout part à vau-l’eau », « On trouvait du boulot plus facilement. », « Il n’y a plus de saisons », « De mon temps ce n’était pas comme ça… » etc.
Nous avons tous entendu, et parfois nous nous sommes nous-mêmes laissés aller à ces récriminations. Les temps semblent plus que jamais angoissants à l’aune du changement climatique et des inquiétudes sociales. Mais le sentiment prégnant que c’était mieux avant a probablement été ressenti par nos ancêtres avant nous. Le passéisme ne date pas d’aujourd’hui. Un des plus antiques documents dont l’Histoire ait connaissance – une tablette provenant de la couche la plus ancienne des ruines de Babylone – commence par ces mots : « Hélas ! hélas ! les temps ne sont plus ce qu’ils ont été… »
Il en est ainsi, génération après génération, à travers les siècles, l’homme se montre persuadé que le présent ne vaut pas cher et que l’avenir sera une catastrophe. Souvent même, il nous arrive de penser : « Heureusement que je vais mourir avant d’avoir vu ce qui va arriver. » Voici le mot d’ordre : « Sauve qui peut ! » Notre monde est celui de la fuite.
Certes le chrétien a des raisons bibliques d’être pessimiste quant à l’avenir de ce monde. La Bible nous prévient de l’amour qui se refroidira, de périodes de grands troubles, de la contagion du mal, de l’émergence même du mal personnifié (Matthieu 24. 4-14 ; 2 Thessaloniciens 2. 1-4). Il y a là des raisons suffisantes d’être nostalgique du passé, en pensant que le monde tournait bien mieux avant. Mais en réalité, tout n’était pas mieux avant, loin s’en faut, surtout depuis le premier Noël. Car Noël, c’est Dieu qui dit : « Je viens ! Là où vous ne voulez plus rester, je viens, j’installe mon Fils. Je mise sur un avenir auquel vous ne croyez plus. » C’est cela Noël ! Noël nous sauve de la fuite et nous réapprend à croire en l’avenir. Et si ce monde est appelé à disparaitre, c’est pour faire place à un monde nouveau, où la justice habitera, où le deuil, le cri, la douleur, qui sont les marques de notre monde ne seront plus (2 Pierre 3. 13 ; Apocalypse 21. 4). La guérison de tout ce qui blesse notre humanité, tel est le but ultime de l’action de Dieu.
Le visage de Dieu en Juge a beaucoup plus capté notre attention. Même le débat sur le salut a été surtout enfermé dans le seul domaine juridique au détriment du domaine médical. Or Dieu est aussi un médecin, un thérapeute. Et Noël, ce n’est pas Dieu le Juge qui nous reçoit dans son tribunal, mais Dieu le médecin, avec son visage adoucit, penché sur nous pour nous secourir et nous prodiguer ses soins.
« Aujourd’hui, dans la nuit du monde et dans l’espérance de la Bonne Nouvelle, j’affirme avec audace ma foi en l’avenir de l’humanité́. Je refuse de croire que les circonstances actuelles rendent les hommes incapables de faire une terre meilleure. Je refuse de croire que l’être humain n’est qu’un fétu de paille ballotté par le courant de la vie, sans avoir la possibilité́ d’influencer en quoi que ce soit le cours des évènements. Je refuse de partager l’avis de ceux qui prétendent que l’homme est à ce point captif de la nuit sans étoiles… Je refuse de faire mienne la prédication cynique que les peuples descendront l’un après l’autre vers l’enfer… Je crois que la vérité́ et l’amour sans condition auront le dernier mot effectivement. La vie, même vaincue provisoirement, demeure toujours plus forte que la mort… Je crois également qu’un jour toute l’humanité́ reconnaitra en Dieu la source de son amour. Je crois que la bonté́ salvatrice et pacifique deviendra un jour la loi… Je crois fermement que nous l’emporterons. » (Martin Luther King, Oslo, 10 décembre 1964)
Un beau et joyeux Noël,
Raymond Ruffe
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