
Lettre du pasteur octobre 2024
La chasse au renard !
En regardant la photo du renardeau ci-dessus, vous avez sans doute pensé, «Il est mignon!»; et donc forcément inoffensif. Nous devrions pourtant prêter attention à la recommandation suivante : «Attrapez- nous les renards, ces petits renards qui ravagent nos vignes, quand notre vigne est en fleur. »(Cantique des cantiques 2. 15). Le mignon petit renard, qui pourtant cause de gros dégâts dans les vignes, est une belle illustration de ce que nous considérons comme des péchés légers, pas si graves, mais que nous pratiquons bien volontiers. Ce sont ces petits travers qui nous répugnent chez les autres, mais dont nous nous accommodons quand ils sont chez nous. En effet, dans le domaine du péché, l’homme se montre assez indulgent envers lui-même.
Certes, certains péchés sont plus lourds de conséquences que d’autres : un regard de convoitise aura moins de conséquences qu’un adultère acté. Se mettre en colère contre quelqu’un aura moins de conséquences que le fait de lui ôter la vie. Cependant, Jésus dit que par la pensée de convoitise, on commet déjà l’adultère dans son cœur et que celui qui se met en colère contre son frère ou le traite d’idiot, mérite tout autant que celui qui commet un meurtre de passer en jugement devant le tribunal. Il ne s’agit pas de faire peser sur nos consciences une culpabilité aliénante, mais plutôt de comprendre la chose suivante : «Car quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un seul commandement, devient coupable envers tous. » (Jacques 2. 10)
Pour saisir la portée de cette parole, il faut savoir que la Bible ne parle pas des lois, mais uniquement de la loi de Dieu comme un tout. Quand donc quelqu’un commet un meurtre ou un adultère, il pèche contre la loi de Dieu. Celui qui dit du mal de son prochain pèche également contre la même loi.
Nous accorderons davantage d’importance à certains péchés, que nous considérons comme graves… Ils sont si hideux que nous les rejetons d’emblée. Mais il y a également le péché qui se présente à nous sous une forme subtile, mignon comme un petit renard. Et nous l’accueillons avant de le reconnaître pour ce qu’il est : un petit mensonge par-là, une petite médisance par-ci… Je précise qu’en donnant l’exemple du mensonge, je ne cherche pas à ouvrir un débat entre Kant, pour qui la vérité est un impératif absolu et Augustin qui distingue jusqu’à huit catégories de mensonges, allant du mensonge blasphématoire jusqu’au mensonge honnête qui profite à une personne sans nuire à quelqu’un d’autre, qui participe à l’amélioration morale ou spirituelle d’une personne : Les sages-femmes qui mentent au pharaon pour sauver les nourrissons (Exode 1. 15-22). Rahab, la prostituée va mentir aux soldats pour sauver les espions Hébreux qu’elle a cachés (Josué 2. 1-6). Mikal, la fille de Saül, a sauvé son mari David en mentant à son père. Son frère Jonathan a agi de la même manière pour sauver le même David (1 Samuel 19. 11-17, 20). Mais comme je le disais à l’instant, c’est un autre débat. Revenons donc à nos mignons petits renards que nous tolérons sans les remettre en question, que nous nourrissons et qui accomplissent sans encombre leurs œuvres destructrices.
La médisance, le mensonge, la colère, voilà les poisons de la vie sociale et des relations fraternelles. Ils sont pourtant tout aussi incompatibles avec la vie de Christ en nous. Et c’est certainement dans le
domaine des relations que nous avons le plus besoin de faire la chasse aux petits renards qui ravagent les vignes en fleur.
Réfléchissons un peu à ceci, aux douze auxquels Jésus a fait appel. Ici et là dans les Évangiles, nous pouvons recueillir quelques indices sur leur caractère. Il y a entre autres, Jean, un homme intolérant, un sanguin, que Jésus lui-même appelait, «Fils du tonnerre» (Marc 3. 17 ; 9. 38, 54). Il y a aussi Pierre, un homme fier, sûr de lui et qui aime se comparer aux autres de façon avantageuse (Matthieu 26. 33). Nous avons également Nathanaël qui a des préjugés sur les individus. Il pense que l’endroit d’où vous venez indique si vous êtes une bonne ou une mauvaise personne (Jean 1. 46). Il y a aussi Matthieu, le collecteur d’impôts, un Juif au service de l’envahisseur Romain, un vendu en quelque sorte (Marc 2. 13- 22). N’oublions pas Simon le zélote, un nationaliste, indépendantiste, un émeutier (Luc 6. 15). Et Judas qui tenait la bourse et qui n’hésitait pas à y prendre de l’argent (Matthieu. 24. 14). Voilà un bien joli bouquet qui pourrait faire douter des compétences de recrutement de Jésus. Pourtant ce sont ceux-là qu’il a appelés, mis ensemble en leur donnant cet ordre : «Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » (Jean 15. 12).
Je sais que nous avons plutôt une bonne opinion de nous-mêmes. Mais sans vouloir nous faire injure, je dirais que nous sommes à l’image du groupe des douze. Comme chez eux, il y a en chacun d’entre nous un trait de caractère répulsif. Il n’y a point de propre juste parmi nous. Nous sommes seulement une bande de pécheurs que le Christ a appelés, mis ensemble et qu’il a appelés à s’aimer.
Martin Luther King disait : «Il y a beaucoup de gens que j’ai du mal à apprécier, car ce qu’ils font me déplaît ou ce qu’ils disent de moi… Je ne les apprécie pas, mais Jésus dit, aimez-les ». Il ne s’agit donc pas de savoir si je trouve mon prochain, ce frère ou cette sœur sympathique, mais de l’aimer. L’amour ne s’inscrit donc pas dans le registre de l’émotion ou des sentiments, mais c’est une préoccupation, une démarche et un engagement, pour aider l’autre à grandir, à changer, à s’épanouir. Et si notre foi est exclusive comme celui des pharisiens, rappelons-nous que c’est à l’amour que nous serons jugés.
Alors, sans aucun état d’âme, faisons la chasse aux renardeaux : Dans nos relations fraternelles, revêtons-nous de compassion, d’humilité, de douceur, de patience… Ce sont là, les antidotes contre leurs effets nocifs. Efforçons-nous de maintenir le lien de la paix.
Avec mes meilleures pensées fraternelles,
Raymond Ruffe
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