
Lettre du pasteur novembre 2024
La piété, c’est bon comme du bon pain !
Robert Louis Stevenson, le célèbre romancier, auteur de « L’Île au trésor » et de « Dr Jekyll et Mr Hyde », disait avec ironie : « Je suis allé à l’église aujourd’hui et cela ne m’a pas donné le cafard. »
La plupart des personnes ne considèrent jamais la piété, c’est-à-dire l’attachement à Dieu comme une chose joyeuse. La foi leur inspire morosité et ennui. Pour beaucoup il s’agit d’un service, un devoir ou une nécessité, mais jamais un plaisir et un délice. Ils pensent que la piété prive l’homme de sa liberté. Ils conçoivent la foi comme un ensemble de codes et d’interdictions. La pensée de délice dans la piété leur est si étrangère que pour eux, il n’existe pas deux mots plus éloignés l’un de l’autre.
Pourtant, nous ne craignons pas Dieu à cause d’une quelconque obligation. Notre foi n’est pas un boulet. Notre confession n’est pas un esclavage. Nous ne sommes pas traînés à corps défendant vers la sainteté, ni contraints au devoir. Celui qui connaît le Christ, et s’attache à lui, sait que le plaisir est intimement et merveilleusement attaché à sa personne. Il y a une abondance de délices qui ne se trouvent qu’en lui. Ceux qui aiment le Seigneur de tout leur cœur trouvent ses voies plaisantes.
Certains soirs, en rentrant à la maison, je passe chez le fromager, puis je m’arrête chez le boulanger, j’achète une belle baguette tradition – à cette heure de la journée, c’est la fournée du soir. Elles sont bien chaudes. Je savoure alors à l’avance ce qui sera mon dîner : du bon pain, du fromage et un peu de vin. Cela fait partie de ces moments qui pour moi sont des instants de joie simple et de pur plaisir. Toute proportion gardée, une vie de piété, c’est bon comme du bon pain !
Lorsque nous parlons de délices en Dieu, nous pensons forcément au Psaume 37. 4 où la recommandation à faire du Seigneur nos délices est assortie d’une promesse : « Fais de l’Éternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire. » Il faudrait, me semble-t-il, prévenir contre, non pas une compréhension erronée, mais limitée de ce verset. En effet, nous pourrions croire qu’en nous attachant au Seigneur, nous serons récompensés par des bénédictions terrestres et temporelles. Certes, de nombreux versets de la Bible le confirment. Mais il ne faudrait pas pour autant faire de notre piété le motif d’en tirer un gain. Le risque serait de nous détourner de Dieu lorsque la bénédiction nous fait défaut ou tarde. Nous prouverions que nous recherchons la bénédiction plus que Dieu lui-même. Cela voudrait dire qu’il existe pour nous des choses qui en dehors de Dieu nous procurent plus de plaisir que Dieu lui-même. Or nous savons que toute chose qui nous procure plus de satisfaction que Dieu et que nous lui préférons, peut être considérée comme une idole.
Asaph a failli céder à cette tentation, lorsqu’il a constaté que la bénédiction le fuyait malgré sa piété. Il en a conclu : « C’est donc pour rien que j’ai purifié mon cœur, et que j’ai lavé mes mains dans l’innocence » (Psaume 73. 13). Autrement dit, cela ne me m’a rien rapporté de m’attacher à Dieu. Mais Asaph va faire une découverte extraordinaire. Il va découvrir Dieu comme source de plaisir : « Qui ai- je au ciel, si ce n’est toi ? Et sur la terre, je ne prends plaisir qu’en toi… Mon bonheur à moi, c’est de vivre tout près de Dieu. » (Ps. 73. 25, 28). Dieu est non seulement l’origine de tout bien, mais lui-même est le plus grand bien. Logiquement, Dieu devrait être la source du plus grand plaisir. Et cette logique fonctionne, puisque la Bible nous présente la présence de Dieu comme lieu de plaisir et de bonheur :« Il y a abondance de joies devant ta face, des délices éternelles à ta droite » (Psaume 16. 11). Elle parle également de goûter, de sentir, de voir combien le Seigneur est bon (Psaume 34. 8-9). Il s’agit bien d’une expérience sensorielle.
Comme l’exprime Clive Staple Lewis (C S. Lewis), il y a plus à trouver que les plaisirs de ce monde :
« Et si je découvre en moi un désir qu’aucune expérience au monde ne puisse satisfaire, l’explication plausible ne serait-elle pas que je suis fait pour un autre monde ? Si aucun de mes plaisirs terrestres ne satisfait ce désir, il n’est pas prouvé pour autant que l’univers soit une supercherie. Probablement n’a- t-il jamais été prévu que les plaisirs terrestres doivent satisfaire ce désir, mais seulement l’éveiller, suggérer la chose réelle. S’il en est ainsi, je dois prendre soin, d’une part, de ne jamais mépriser ces bénédictions terrestres ou montrer de l’ingratitude, et d’autre part, de ne jamais les confondre avec ce quelque chose d’autre dont ils ne sont qu’une copie, un écho ou un mirage » (Les fondements du Christianisme, Ligue pour la lecture de la Bible, 1985, p 143).
Dans ses confessions, Saint-Augustin laisse entendre que jeune, il brûlait la vie par les deux bouts, jusqu’à ce qu’il découvre la supériorité des plaisirs en Dieu : « Quel bonheur pour moi d’être d’un seul coup débarrassé de ces joies stériles dont j’avais peur jadis de me séparer… Tu les as éloignées de moi, toi la vraie, la souveraine joie. Tu les as chassées pour prendre leur place, toi le plus délicieux de tous les plaisirs. » Aussi lorsque nous lisons, « Fais de l’Éternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire. », gardons à l’esprit que c’est Dieu lui-même qui doit être par-dessus tout l’objet de notre désir. Il est la réalité absolue, la plus précieuse. Il est plus digne d’admiration, d’attention et de plaisir que toutes les autres choses qui sont pour nous précieuses, forcent notre admiration, attirent notre attention et nous procurent du plaisir.
Avec mes meilleures pensées fraternelles,
Raymond Ruffe
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