Lettre du pasteur décembre 2024

Marie !

Je me rappelle d’un épisode lorsque j’étais adolescent : Régulièrement notre église organisait des sorties dans les quartiers pour faire de l’évangélisation de porte à porte. Lors d’une de ces sorties, je formais un binôme avec un frère, un adulte. Nous avons alors entamé un échange avec une femme sous sa véranda. Étant donné mon jeune âge j’étais resté en retrait, seuls les adultes discutaient. Ils ont eu une vive discussion, avec des éclats de voix, au sujet de Marie, la mère de Jésus. C’était un vrai dialogue de sourds. Je me rappelle avoir regretté les propos de mon partenaire, qui par réaction à ce qu’il considérait comme un excès de vénération de la part de cette femme pour Marie, a totalement oublié quelle femme de foi elle a été, quel exemple de modélisation positive elle est pour tous les croyants.

Il nous faut déjà reconnaître que ce qui arrive à cette jeune-femme âgée de seulement 15 ans, et qui est en bas de l’échelle sociale, est tout à fait singulier, unique, sans analogie possible. Elle a quand même été choisie pour porter le Fils de Dieu, qui est aussi Dieu lui-même. Marie ne va pas donner naissance à un homme que Dieu va ensuite adopter. Non ! Le fils qu’elle mettra au monde est Fils de Dieu depuis les origines, donc avant que Marie soit elle-même (Michée 5. 2). Rappelez-vous les paroles de Jésus, « avant qu’Abraham fut je suis » (Jean 8. 58). Et voilà que Marie va devenir la mère de celui qui est avant qu’elle-même ne fut. C’est inouï ! Cependant, il n’y a pas de surhumanité chez Marie. On peut même dire qu’elle représente l’humanité dans toute sa misère et sa fragilité. Ce qui permet d’affirmer cela, c’est la parole de l’ange : « Réjouis-toi, toi qui es comblée par la grâce. » Dès qu’il est question de la grâce, il est aussi question de la misère et de la fragilité humaine. En face de la grâce, il ne peut qu’y avoir un homme pécheur. Face à la grâce, l’homme ne peut rien faire valoir. Autrement ce n’est plus une grâce (Romains 11. 6). La grâce n’est jamais accordée à l’homme pour ses vertus ou sa piété exceptionnelle. Alors oui, Marie est une grande figure, mais que parce qu’elle accueille la grâce. C’est parce que la grâce l’a touchée qu’elle est dite bienheureuse.

L’ange fait deux révélations à Marie à propos de l’enfant qu’elle va porter dans son sein et mettre au monde. Tout d’abord, il sera appelé « Jésus », qui signifie « Sauveur ». Nous avons ici de quoi nous émerveiller. Car Jésus est l’aboutissement d’une promesse qui remonte depuis les origines, dans cette annonce de Genèse 3. 15, communément appelée le proto-évangile. Bien plus, Jésus est l’aboutissement d’une décision du conseil divin, avant même la fondation du monde (Éphésiens 1. 3-6). Le moyen que Dieu prévoit pour retrouver une communion avec l’homme, passe par la postérité de la femme. Mais qui alors pouvait se douter un seul instant à ce moment, que celui qui allait naître d’une femme serait le Fils de Dieu et Dieu lui-même. C’est une chose qui ne pouvait pas venir à la pensée de l’homme. Mais qui était connue et partagée dans l’intimité de Dieu entre le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Depuis cette fameuse annonce de Genèse 3, toute la révélation biblique n’avait que la venue de Jésus en ligne de mire, tout converge vers Jésus. Dans toute la Bible, durant des siècles et des siècles, des millénaires, tout n’est que poteau qui indique la personne de Jésus. Pour reprendre la citation de Blaise Pascal, « Il est l’objet de tout, le centre où tout tend. Qui le connaît, connaît la raison de toutes choses ».

L’ange fait une autre révélation importante à propos de Jésus : « Il régnera pour toujours… son règne n’aura pas de fin. » Il n’est donc pas seulement Sauveur, il est aussi Seigneur. Dire que Jésus est Seigneur, c’est reconnaître son autorité, sa gouvernance sur toute chose et en particulier sur nos vies. Avouons qu’il peut exister des zones de non-droits dans nos vies, des domaines de notre vie, qui échappent encore à la seigneurie de Jésus. Ces paroles de l’ange nous interpellent sur la manière dont nous nous positionnons en face de celui qui est Sauveur et Seigneur. Karl Barth disait : « Il y a-t-il dans ce nom, une exigence, un ordre auquel il m’est impossible d’échapper, non seulement de me dérober, mais que je ne puis pas même discuter ? » Face à Jésus, dit-il encore, nous savons une chose : nous sommes ses détenus. Voilà qui nous conduit à la réponse de Marie à la salutation et à l’annonce angéliques. Après un doute mesuré, « Comment cela se fera-t-il ? », Marie cède, capitule, de manière raisonnée, consciente, volontaire et heureuse : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait d’après ta parole » (Luc 1. 38). La réponse exacte de Marie, c’est : « Me voici, je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait d’après ta parole » (Luc 1. 38). Quel dommage que les traducteurs aient fait le choix de ne pas traduire ce « Me voici » de Marie, alors qu’il existe dans le texte original. C’est le « Me voici » de l’homme disponible. « Me voici » veut dire : Je suis à ta disposition. Je suis prêt à t’écouter, à t’obéir, à me mettre à ton service. Je suis disponible et disposé à faire ta volonté. Je suis prêt à accomplir la mission que tu me demandes, prêt à répondre à ton appel…

Pensons souvent à cette phrase : « Me voici Seigneur, je suis ta servante, ton serviteur, qu’il me soit fait aujourd’hui selon ta parole ». Disons-la souvent dans nos prières, chaque matin avant de nous rendre à notre travail. Empruntons le même chemin que Marie, pour marcher sur ses traces.

En vous souhaitant un temps d’Avent chargé d’espérance et un Noël rempli de joie et de paix,

et avec mes meilleures pensées fraternelles,

Raymond Ruffe

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